THE SHARK PROFILER

un éclairage scientifique

sur les morsures de requins

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QUI SUIS-JE

PROF.  ERIC CLUA

Après un début de carrière de vétérinaire, je me suis spécialisé en écologie marine, en économie de l’environnement et en éco-anthropologie; je me focalise scientifiquement depuis 2005 sur le rôle des requins au sein des écosystèmes tropicaux et sur les interactions avec l’Homme. Je m’intéresse particulièrement au comportement des grands requins (Blanc, Tigre, Bouledogue et Océanique) et à la compréhension des morsures sur les usagers de la mer. En collaboration avec plusieurs experts internationaux, j’ai écrit de nombreux articles scientifiques et un livre sur le sujet, et je milite pour la conservation des requins à travers les media écrits et télévisés, de même que des conférences grand public. Je suis avant tout un homme de terrain, qui s’est construit au contact de la nature. Formé par mon père dès l’âge de 5 ans à la plongée en scaphandre et à la chasse sous-marine, je suis instructeur national d’apnée et plongeur scientifique professionnel. J’ai mis tout mon savoir technique et naturaliste accumulé dans les eaux de tous les océans du Monde au service d’une approche rationnelle, guidée par la science et les faits. Je présente ici le fruit de 10 ans de réflexion et études qui visent à gérer le risque requin de façon raisonnée, intelligente et la plus respectueuse possible de la mer et de ses occupants naturels.

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POURQUOI LES REQUINS MORDENT-ILS L’HOMME ?

Il  y a en moyenne une centaine de morsures de requins sur l’Homme tous les ans dans le Monde entier. Parmi ces morsures, <10% sont fatales pour les victimes et relèvent d’accidents impliquant essentiellement quatre espèces de grands requins qui sont le requin blanc, le requin tigre, le requin bouledogue et le requin océanique. Bien que rares, ces morsures entretiennent une peur irraisonnée du public à l’égard de ces animaux, dans l’absolu beaucoup moins dangereux que d’autres (les chiens par exemple).

Ces morsures fatales relèvent en grande majorité d’une motivation de prédation, avec un requin cherchant à se nourrir sur l’Homme, bien que ce dernier ne soit pas une proie naturelle du requin. Lorsqu’un grand requin mord pour se nourrir sur un être humain, il ne s’agit pas d’une erreur, comme on a tendance à le croire, mais d’un requin qui a un comportement dysfonctionnel (comparé à ses congénères) et qui est dénommé requin à problème. On parle de morsure de prédation.

Ce type de morsure est souvent fatal car l’animal arrache beaucoup de tissus (pour se nourrir) et les hémorragies sont massives. Dans cette démarche, l’animal -qui ne sait pas à qui il a affaire et reste très prudent malgré son audace- va parfois passer par une phase exploratoire, en mordant -souvent superficiellement- un humain. On parle de morsure d’investigation ou exploratoire, avec un mordu-relâché (‘bite-and-spit en anglais). L’animal peut ensuite soit poursuivre la prédation, soit repousser à plus tard une nouvelle prédation, soit abandonner ce type de proie qui ne lui convient pas. Les morsures d’investigations, le plus souvent superficielles, ne sont pas mortelles à l’instar de toutes les autres morsures au cours desquelles la perte de matière sera faible et les conséquences rarement fatales pour l’Homme. Cela représente >90% des morsures que, malheureusement, les gens mélangent sans discernement avec la morsure de prédation. Elles impliquent aussi les quatre espèces précitées, mais d’autres espèces qui ne se nourriront jamais sur l’Homme, comme le requin gris, le requin citron, le bordé, etc. A l’inverse des morsures de prédation pour lesquelles l’Homme a le malheur d’être pris pour cible, toutes ces morsures relèvent la plupart du temps d’une responsabilité humaine. C’est le cas lorsque l’Homme convoite une proie naturelle du requin, en action de chasse sous-marine par exemple. Le requin cherche à se nourrir sur le poisson blessé par le chasseur et peut mordre le chasseur, non pas pour se nourrir dessus mais pour éliminer un concurrent. On parle de morsure de compétition.

C’est aussi le cas lorsque l’Homme agresse le requin et que ce dernier, en toute légitimité, se défend en mordant son agresseur (par exemple un chasseur sous-marin qui lui tire dessus avec son arbalète). On parle de morsure de défense. C’est le cas lorsqu’on se mêle de trop près à des situations de nourrissage naturel ou artificiel, au cours desquelles le requin va mordre l’Homme, non pas pour se nourrir dessus, mais par maladresse (une sorte de dommage collatéral). C’est fréquent avec le feeding en plongée des requins, lorsqu’on habitue les requins à mordre des appâts que le plongeur présente dans sa main et que le requin finit par mordre la main. On parle de morsure de maladresse. C’est le cas lorsqu’on se confronte sous l’eau avec un requin qui va se sentir mis en danger par notre présence, notamment si vous êtes trop proche de lui, ou si vous lui barrez involontairement le chemin. Il faut comprendre que certains requins ont comme une bulle 3D autour d’eux (périmètre de sécurité) et que si on la pénètre, même involontairement, ils vont mordre. Certains sont même territoriaux. On parle de morsure de dominance ou territoriale. Il est fréquent qu’une morsure puisse relever non pas d’une seule, mais d’une combinaison de toutes ces motivations, à des degrés divers. Enfin, les requins sont bardés de sens, notamment une capacité à repérer les champs électro-magnétiques émanant de tissus vivants (muscles). Aussi il leur arrive de mordre, non pas directement des Humains, mais des appareils photos, flashes ou moteurs hors-bords (dont émanent aussi ce type de champs). On parle de morsure instinctive ou réflexe. L’Homme n’est pas vraiment concerné par ce dernier type de morsures.

En savoir plus.. cliquez ici (visionner la conférence à l’ecole nationale vétérinaire de Nantes sur les morsures de requins)

QU’est-ce qu’un requin à problème ?

L’Homme n’est pas une proie instinctive du requin, et ce dernier reste globalement très prudent dans sa propension à tester de nouvelles proies inconnues (d’où le nombre extrêmement faible d’attaques malgré les millions d’interactions journalières entre requins et Homme dans le monde entier). Pour qu’un requin ose s’en prendre à un être humain afin de se nourrir dessus, il faut une convergence de facteurs qui n’arrive que très rarement. Il faut probablement avoir affaire à un animal qui un caractère très audacieux, enclin à prendre des risques. On parle de « personnalité » audacieuse, héritée de son père et de sa mère (Jacoby et al 2014). Ils ne sont pas très nombreux au sein d’une population donnée. Il faudra ensuite que ce même requin ait suffisamment faim (pour prendre des risques) et qu’il rencontre des conditions favorables à une tentative de prédation (par exemple de l’eau trouble qui va faciliter l’effet de surprise pour minimiser la dépense énergétique, sans que ce soit néanmoins nécessaire). Tout çà rend la probabilité finale très faible. La morsure de prédation peut être complète (et même répétée) ou partielle et avortée (voir morsure d’exploration). Un requin qui a tenté avec succès une morsure de prédation sur l’Homme ne recommencera pas forcément, mais la probabilité qu’il le fasse est significativement supérieure à celle caractérisant ses congénères. Etant donné cette forte probabilité qu’il récidive, on parle de requin à problème (Clua & Linnell 2018). La terminologie de « problème » renvoie à notre perception anthropocentrée d’êtres vivants ne souhaitant pas être considérés comme des proies. Du point de vue du requin, il n’y a néanmoins aucune volonté de nuire à l’Homme qu’il considère simplement comme une opportunité alimentaire comme une autre. On est loin de l’image inappropriée véhiculée par des films comme « les dents de la Mer » qui prônent l’existence de requins « renégats » qui s’en prendraient spécifiquement à l’Homme, en y prenant accessoirement du plaisir.

Il s’agit de pures manifestations anthropomorphiques. On pourrait parler de requin « déviants », mais là aussi le terme a une connotation négative, alors qu’il ne s’agit dans l’absolu que d’une déviance neutre par rapport à une norme qui est : l’Homme n’est pas une proie du requin. L’élimination sélective des requins à problème est probablement le meilleur compromis en termes d’éthique, d’éco-responsabilité et d’efficacité entre les deux extrêmes que sont l’inaction et les abattages systématiques et aveugles. Le concept de « requin à problème concerne surtout les morsures de prédation et rarement toutes les autres, la plupart du temps bénignes pour l’Homme. Pour identifier les requins à problèmes il faut avoir recours au profilage.

Pour en savoir plus :

Clua, E. E., Linnell, J. D., (2018). Individual shark profiling: An innovative and environmentally responsible approach for selectively managing human fatalities. Conservation Letters, DOI: 10.1111/conl.12612

Jacoby, D. M., Fear, L. N., Sims, D. W., & Croft, D. P. (2014). Shark personalities? Repeatability of social network traits in a widely distributed predatory fish. Behavioral Ecology and Sociobiology, 68(12), 1995-2003.

QU’est ce que le profilage de requins ?

 

En science de la criminalité, le profilage consiste à caractériser, et si possible identifier individuellement, la personne responsable d’un meurtre. On peut appliquer cette approche aux requins, essentiellement dans le cadre des morsures fatales sur l’Homme (Clua & Reid 2018). En effet, la police ne va pas perdre de temps à profiler un individu qui a pénétré par effraction dans une voiture, elle va se concentrer sur les affaires graves, impliquant un ou plusieurs crimes. De la même façon, il est injustifié de profiler un requin qui a mordu superficiellement un usager de la mer, dans un autre but que se nourrir dessus. En revanche, le profilage d’un requin mordeur peut permettre son identification et son élimination très sélective, en particulier comme une alternative aux pratiques actuelles (comme à La Réunion ou en Nouvelle-Calédonie) consistant à pêcher aveuglément et au hasard des requins pour faire baisser le risque de morsure sur l’Homme. Contrairement à ce que les défenseurs de cette approche affirment, il n’y a pas d’efficacité réelle des pêches de prévention (Wetherbee et al 1994), sauf à capturer par pur hasard, le ou les requins qui ont mordu. Pour profiler un requin mordeur, il faut avoir recours à des outils classiques de médecine médico-légale (lors de l’autopsie des victimes) qui permettent notamment d’identifier l’espèce et la taille du requin responsable de la morsure3. Mais les progrès technologiques permettent désormais d’avoir recours à la biologie moléculaire (analyse d’ADN). Ainsi, sur la base de prélèvements effectués sur les plaies des victimes de morsure, il est aujourd’hui possible d’identifier non seulement l’espèce de requin responsable de l’attaque, mais aussi le profil génétique individuel de l’individu au sein de cette espèce. On parle désormais de profilage génétique individuel des requins (PROGENIR en français).

Pour en savoir plus :

Clua, E., & Reid, D. (2018) Contribution of Forensic Analysis to Shark Profiling Following Fatal Attacks on Humans. Post Mortem Examination and Autopsy-Current Issues – From Death to Laboratory Analysis. (Ed. Kamil Hakan Dogan), Chapter 5, pp. 57-75. InTech Open Science.

Wetherbee, B., Lowe, C., Crow, G., (1994). A review of shark control in Hawaii with recommendations for future research. Pacific Science, 48, 95–115.


la médecine medico-légale (autopsies)

La médecine médico-légale s’attache à définir les causes de la mort d’un individu à partir de l’observation et l’analyse des blessures. Lors d’une morsure fatale de requin, la mort intervient la plupart du temps par un choc cardiogénique lié aux hémorragies massives. La morsure laisse des traces de section des tissus, qui sont caractéristiques de sa nature (complète ou partielle), de la taille de l’animal, mais aussi et surtout de l’espèce impliquée. En effet, à la fois la forme de la mâchoire (son degré de courbure par exemple), la forme (pointue ou triangulaire par exemple) et la disposition (alignées ou décalées par exemple) des dents diffèrent sensiblement selon les espèces. En général, la taille de la morsure permet d’avoir une idée de l’espèce potentiellement impliquée, en prenant en compte les espèces potentiellement présentes sur site. Ensuite les traces laissées par les dents permettent de confirmer ou d’identifier l’espèce de requin.

Enfin, des chercheurs ont montré que la distance entre la pointe des dents augmentait de façon corrélée avec la taille de l’animal (Lowry et al 2009) ; on parle de distance inter-dentaire (DID). En mesurant sur la victime cette distance grâce aux traces de dents qui s’y prêtent, on peut obtenir une DID moyenne. Il existe ensuite des algorithmes (formule mathématique) qui permettent d’obtenir automatiquement selon l’espèce une évaluation de la taille du requin qui a mordu. Ces algorithmes sont calculés à partir de mesures faites sur les mâchoires de requins dont on connaît la taille réelle (Jublier & Clua 2018). Ce principe marche aussi pour la circonférence de la mâchoire (CM) qui peut aussi être modélisée et utilisée pour évaluer la taille de l’agresseur.

Sur la base de ces informations concernant l’espèce et la taille du requin, on peut lancer une recherche ciblée du requin mordeur via des campagnes de pêche non létale. Une fois le requin pêché et s’il correspond au profil (espèce/taille), on peut scruter le contenu de son estomac avec un échographe portable afin de détecter la présence potentielle de restes humains (en particulier des os). On peut aussi faire vomir le requin si besoin. S’il y a des restes, et seulement s’il y en a, on est en droit d’envisager son élimination, sinon on le relâche. C’est aussi une alternative aux pêches de prévention qui tuent systématiquement les animaux avant d’autopsier leurs cadavres.

Pour en savoir plus :
Lowry, D., de Castro, A.L.F., Mara, K., Whitenack, L.B., et al., (2009). Determining shark size from forensic analysis of bite damage. Marine Biology, 156, 2483e92.

Jublier, N., & Clua, E. E. (2018). Size assessment of the Gray Reef Shark Carcharhinus amblyrhynchos inferred from teeth marks on human wounds. Journal of forensic sciences, 63(5), 1561-1567.

LE PROfilage génétique individuel

Le PROGENIR (voir schéma ci-dessous) repose sur une stratégie globale visant à identifier et neutraliser les individus à problèmes ayant mordus un humain (Clua et al 2020). Cette stratégie de gestion du risque suivrait deux axes parallèles reposant en premier lieu sur (1) l’organisation de sites expérimentaux annexés aux lieux de fréquentation importante par l’Homme afin d’agréger (via du feeding et des stimuli olfactifs) les requins fréquentant la zone et ce, afin de mettre en œuvre, sur une base routinière, de la photo-identification individuelle des animaux, des mesures corporelles et des prélèvements de leur ADN (via des biopsies). Ces sites maintenus actifs tout au long de l’année permettraient le renseignement progressif et le plus exhaustif possible d’une base de données sur un maximum de requins, sédentaires ou transients (de passage), fréquentant la zone et ce, afin de connaitre leur profil ADN individuel (via du fingerprinting = cf ci-après)) et d’être en mesure de les ré-identifier visuellement si besoin. A noter que cette approche n’exclut pas de la pêche non létale afin d’effectuer les mêmes opérations, voire même du marquage (tagging), en particulier acoustique, permettant d’identifier les requins à partir de bornes sous-marines réceptrices. Un deuxième axe (2) consisterait, lors d’une morsure sur l’Homme, à mettre en place des mesures permettant d’effectuer des prélèvements les plus précoces possible sur les plaies des victimes, décédées ou pas, afin de recueillir de l’ADN du requin mordeur (bite-printing via le swabbing des lèvres de la plaie).

En absence ou complément de ces prélèvements précoces, il s’agirait aussi de développer une médecine médico-légale améliorée qui intègrerait systématiquement dans ses protocoles le recueil de l’ADN du requin mordeur (comme on le fait suite à un viol par exemple). Cet ADN permettrait, d’identifier un individu au sein d’une espèce donnée (fingerprinting sur ADN nucléaire via des microsatellites) et isoler ainsi le profil génétique du requin agresseur (Clua et al 2021). Le croisement des informations  concernant ce profil génétique issues de la médecine médico-légale ponctuelle (bite-printing) avec celles issues du site expérimental (fingerprinting) local (ou de sites existant à une échelle régionale afin de mieux gérer les espèces migratrices), permettrait ensuite d’identifier visuellement (et/ou grâce à des marqueurs électroniques) le requin agresseur. En fonction de son accessibilité sur un site expérimental et après vérification de son identité, l’individu à problème pourrait être chirurgicalement retiré de l’écosystème  : soit pêché pour être déplacé, soit euthanasié, sans interférer avec ses congénères. Cette opération pourrait s’effectuer instantanément après la morsure si l’information est disponible et le requin localisé, ou plusieurs mois après, dans ce même site ou un autre site expérimental appartenant à un réseau échangeant les informations sur les requins.

Pour en savoir plus :

Clua E.E.G, Linnell J.D.C., Planes S. and C.G. Meyer (2020). Selective removal of problem individuals as an environmentally responsible approach for managing shark bites on humans. Journal of Ocean and Coastal Management. 194; 105266. https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2020.105266

Clua EEG, Meyer CG, Linnell , Baksay S, Haguenauer A, Vignaud T, Vely M and Planes S (2021) Hunting the hunter: using genetic profiling for improved management of shark attacks on humans. Research square. 10.21203/rs.3.rs-549718/v1

 

 

Le recours au feeding pour accéder aux requins

Le feeding (terme anglais signifiant « nourrissage artificiel ») consiste, grâce à la présence d’appâts naturels, à attirer et rassembler les requins dans un endroit confiné afin de les observer. Originellement développé dans le cadre des plongées éco-touristiques, le feeding est devenu un outil pour étudier les requins en permettant un accès privilégié et récurrent à des animaux quasi-impossible à approcher autrement (Brena et al 2015). Le feeding est souvent mal perçu, comme favorisant le risque de morsures sur l’Homme, ce qui est faux. Les gens pensent que le risque va augmenter car le requin pourrait confondre les appâts (nourriture naturelle) avec l’Homme (qui n’est pas une proie du requin). Or le requin ne se trompe pas comme on a tendance à le croire. En revanche, il peut faire preuve de maladresse, en particulier dans le cadre du feeding, et mordre involontairement un humain, en pensant avoir affaire à du poisson (Clua 2018). Il peut aussi faire preuve de dominance et de compétition s’il considère que vous êtes une entrave possible à son accès à l’appât. Ces processus n’ont rien à voir avec une motivation de prédation qui engagerait le requin à considérer l’Homme comme une proie.

C’est l’équivalent du chien affamé qui mord vos doigts (sans faire exprès) si vous lui présentez des croquettes dans la main, ou si vous approchez votre main de la gamelle où il a ses croquettes (il ne cherche pas à se nourrir sur vous mais à protéger ses croquettes). Il s’agit de morsures de maladresse, dominance ou compétition. Elles existent dans le cadre du feeding (et peuvent facilement être gérées) mais l’important est de comprendre que le feeding n’augmente pas le risque de morsures de prédation. Si c’était le cas, des sites comme aux Fidji ou aux Bahamas où les requins bouledogues sont nourris depuis des décennies, compteraient des dizaines de morsures de prédation sur l’Homme, or ce n’est pas le cas. En revanche, dans des sites comme La Réunion ou la Nouvelle-Calédonie où n’est pas pratiqué le feeding contrôlé et où on laisse se développer un feeding incontrôlé en déversant de façon massive et récurrente en plongée et où on déverse de façon incontrôlée des déchets de poissons à la mer, les morsures de prédation existent. Idem pour le requin tigre qui était artificiellement nourris en Polynésie française (jusqu’en 2017) sans qu’il y ait la moindre morsure sur l’Homme, et Hawaii où cette même espèce n’est pas nourrie mais s’en prend régulièrement à l’Homme depuis des décennies. C’est pourquoi, sur la base de données objectives, on peut préconiser le feeding comme outil de gestion du risque requin dès lors qu’il va permettre, dans des sites expérimentaux sanctuarisés :

  1. D’accéder de façon récurrente à un maximum d’animaux d’une population donnée de requins pour les photo-identifier, les prélever génétiquement et étudier accessoirement leur comportement individuel ;
  2. D’accéder ponctuellement à un requin à problème qui aura été identifié pour l’éliminer sélectivement ;
  3. De potentiellement servir d’exutoire alimentaire aux requins (qui préfèrent se nourrir d’appâts que de mordre des proies qu’ils ne connaissent pas), tout en permettant l’utilisation des déchets de poissons qui deviennent un outil de gestion du risque et plus un problème en soi.

Pour en savoir plus :

Brena, P. F., Mourier, J., Planes, S., & Clua, E. (2015). Shark and ray provisioning: functional insights into behavioral, ecological and physiological responses across multiple scales. Marine Ecology Progress Series, 538, 273-283.

Clua, E., (2018). Managing bite risk for divers during shark feeding ecotourism: a case study from French Polynesia. Tourism management, 68, 275-283.

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